Tour d’Europe : semaines 15 à 17, de Linz (Autriche) à Rab (Croatie)

Bilan global

Nous sommes ravis d’avoir changé d’ambiance, même si nous regrettons un peu la facilité de suivre un fleuve. Le climat méditerranéen est clément à cette période de l’année, mais ce changement s’est accompagné de quelques difficultés face au relief de la Croatie et au manque d’aménagement cyclable. Côté paysage, nous en prenons plein les yeux !

Journal de bord

Jour 88 / 24 septembre 2022

Encore une nuit froide. Pour notre dernière nuit en tente avant 3 jours, il a fait sacrément froid encore une fois ! Il ne dépassait de mon duvet que le bout de mon nez. Même si il est conseillé d’éviter les couches pour laisser la chaleur se faire, on dort couvert !

Les enfants passent leur matinée à jouer dans la salle de jeu, ce qui nous laisse bien le temps de ranger et plier les affaires. La tente sèche au soleil avant d’être rangée. 

Nous retrouvons l’itinéraire à la sortie du camping. D’abord un chemin vélo dans la forêt qui nous ramène jusqu’au Danube en zigzaguant à travers les arbres. Nous rejoignons la rive nord et suivons une route très passante sur une piste cyclable. Pas vraiment le plan idyllique, mais voyager à vélo c’est également ça. Un jour nous pédalons dans la nature, seuls, isolés, et le jour suivant nous sommes au bord d’une route nationale. 

Nous arrivons à Linz par une large piste cyclable en contrebas de la nationale, beaucoup plus pratique pour discuter. Nous traversons la ville en direction de la gare. 

Le train pour Vienne a 15 minutes de retard. Sur le quai nous reconnaissons un couple de cyclo germanophone avec leurs vélos. Espérons que le wagon vélo soit suffisamment grand ! En principe oui, puisque nos vélos ont des emplacements réservés. Le train arrive, et, oh misère ! C’est un vieux train, bien haut comme nos vieux intercités de la SNCF. On s’entraide pour monter les vélos. Punaise ! Une poussette stationne sur les emplacements vélos ! On arrive tant bien que mal à tout fourrer dans le wagon. Le contrôleur tique légèrement mais il n’a pas l’air de vouloir parler anglais et repart sans souci. 

A l’arrivée à Vienne, la descente est un peu chaotique, et, dans la précipitation, on oublie le toit de la carriole. On tentera les objets trouvés demain. Nous rejoignons l’auberge de jeunesse et devons porter les vélos et les descendre au sous-sol, puis monter et amener toutes les sacoches à travers le dédale de couloirs jusqu’à la destination finale. La tente est bien plus simple à coté de cela. Nous nous posons enfin dans notre chambre. C’était un sacré marathon et il faudra remettre ça à notre départ dans trois jours…

Jour 89 / 25 septembre 2022

Comme à chaque dodo en dur, les enfants sont matinaux. Dés 7h, ils s’éveillent et sont en formes, prêts à chahuter ! Ils se sont bien remis des émotions de la veille et des tracas du voyage en train avec les vélos. 

Nous nous habillons et prenons un frugal petit-déjeuner. Nous avons hâte d’explorer la ville. Au programme ce matin : déambulation viennoise, spectacle de l’école équestre espagnole et serre au papillon. Tout cela est réjouissant et fatigant mais l’émerveillement est bien présent, malgré un épuisement sous-jacent. 

Nous rentrons à l’auberge de jeunesse, qu’on pourrait également appeler usine de jeunesse tant il y a des jeunes à la chaîne. En même temps, 6 étages, une cinquantaine de chambre par étage, des dortoirs, à mon humble avis, on est vite 1000 là-dedans ! (Estimation réalisée au doigt mouillé). 

Nous arrivons à grappiller un peu de repos et de calme avant de nous mettre en route vers la Prater, une fête foraine qui existe depuis plus de 300 ans. Comme ce matin, nous nous y rendons en utilisant les transports en commun. C’est toujours un plaisir renouvelé d’emprunter le réseau de transport d’une ville. C’est immersif. Nous sommes plongés dans le quotidien viennois, j’adore ! 

L’ambiance est au rendez-vous. Nous faisons plusieurs tours de manège : auto tamponneuse, immense toboggan, rivière sauvage qui tourne, maison de rire, et encore auto tamponneuse. Sans oublier, l’inévitable barbe à papa qui colle aux doigts. 

Un bon gros dodo en rentrant. Enfin surtout pour les enfants, c’est bien les auberges de jeunesse mais la jeunesse est un peu bruyante hein !

Jour 90 / 26 septembre 2022

Visite du château de Schonnbronn.

Nous prenons notre temps pour décoller. J’en profite pour aller faire un tour à la gare pour repérer le train que nous prendrons le lendemain et checker la plus ou moins grande facilité à y mettre des vélos… Hourra ! Le train dispose d’un wagon avec un grand espace vélo ! Le rêve de tous les bikepackers ! J’ai envie de pleurer de joie, de serrer le contrôleur dans mes bras ! Un peu de stress en moins pour demain matin (ou pas ?).

Métro ligne U1, direction Lelpoldau, à Keplerplatz, changement à Karlsplatz, ligne U4, direction Hütteldorf. Le ciel bleu est au rendez-vous. Visite du musée des enfants, le parc et jardins du chateau. Les enfants peuvent se déguiser et nous aussi avec des costumes du 18ème siècle. Après trois mois sans déguisement, on en a bien profité ! 

Retour à la chambre en fin d’aprem. Lessive, rangement des sacoches, vérification des billets et courses pour occuper les 8 heures de train…

Les enfants s’endorment tranquillement, bien heureux de la journée au château. Pour nous, c’est une autre histoire.  Impossible de fermer l’œil avant 2h du matin tant il y a des adolescents turbulents dans les couloirs. 

« Et comme par hasard, c’est que des mecs ! »

Même s’il est tard pour avoir une discussion sur le patriarcat, force est de constater que le bruit est uniquement généré par de jeunes hommes, nullement des jeunes filles. Allez, plus que 4 petites heures de sommeil. Wouhou !

Jour 91 / 27 septembre 2022

« Le train des nuages »

Réveil, vraiment hard, à 6h10. Clem reste avec les enfants pour essayer de les réveiller en douceur, je me charge de sortir les vélos dans la rue et d’acheminer les sacoches à l’extérieur. Heureusement personne ne squatte l’ascenseur à cette heure matinale, et j’enchaîne les aller-retours entre le rez-de-chaussée et le cinquième étage. A 7h08 exactement, nous quittons l’auberge, nous sommes à la gare à 7h10. Le train est dans 48 minutes. Les chemins de fer autrichiens sont sympas et en mesure d’annoncer la voie de départ près d’une heure avant le départ ! Madame SNCF, prends-en de la graine bon sang ! Deux demandeurs d’asile tunisiens attendent le même train. Nous arrivons à communiquer en français. Ils vont en Italie, peut-être pas la meilleure destination avec la récente victoire de l’extrême-droite aux législatives…

Le train entre en gare, et punaise, on est pile poil au bon endroit, juste devant le wagon vélo. Le contrôleur ne fait pas que nous ouvrir la porte, il nous aide à hisser les vélos et à bien les installer. Nous prenons toutes les sacoches et youpi ! C’est parti pour 8 heures de train ! 

Il faut savoir que depuis que nous avons décidé de prendre la direction du sud, le moyen pour y arriver a fait l’objet de nombreuses recherches et simulations. Au départ de Vienne, les trains de nuit sont complets rapidement à priori, et cette option est malheureusement vite mise de côté. J’espère qu’on aura l’occasion d’en emprunter un, car c’est vraiment un plaisir incroyable de s’endormir dans un train et de se réveiller à plusieurs centaines de kilomètres. La bonne surprise c’est que nous sommes dans des compartiments bien confortables.

Il est 14h, nous sommes en Slovénie. Depuis ce matin, le paysage est magnifique. Forêts et montagnes baignées d’une brume blanche opaque. Nous avons l’impression de rouler dans les pages d’un roman fantastique. Pourtant Frankenstein ou Dracula sont derrières nous ! 

Les enfants sont vraiment au top sur ce voyage. Jusqu’à Ljubljana, nous partageons notre compartiment avec un couple, et aucun cri ni pleur à déclarer. Nous sommes contents de nos petits loups. 

Dorénavant seuls dans notre compartiment, nous allongeons au maximum les sièges, cela nous fait trois lits. J’essaie de grappiller une sieste. Plaisir infini que d’être bercé par le train. Le temps file. Nous sommes nostalgiques du moment passé et voudrions prolonger le plaisir en y passant la nuit. 

Nous arrivons à Trieste à 17h10. Petit retard de 15 minutes dû à l’intervention de la police slovène pour des immigrés clandestins. A leur arrivée, j’ai cru à un contrôle des passeports et nous nous sommes empressés de récupérer les nôtres, mais nous avons vite compris que nous n’avions pas le profil des personnes contrôlées. Un moment bien difficile à voir et on pense à eux qui le vivent. A l’arrivée, la Méditerranée s’offre à nos yeux. C’est émouvant de revoir la mer après plus de 2 mois sans l’admirer. 

A Trieste, nous découvrons un nouveau style de circulation. Un peu plus sportif et moins maniéré qu’en Allemagne ou en Autriche. Les Italiens sont fidèles à leur réputation mais on ne sent pas en danger pour autant. Ce n’est pas évident de se repérer mais nous rejoignons notre Airbnb.

Nous nous baladons en début de soirée sur les hauteurs de la ville près du château. Nous avons une belle vue, c’est vraiment agréable de revoir la mer et d’être baigner dans un nouveau décor. Nous allons nous régaler ces prochains jours sur la côte Adriatique.

Jour 92 / 28 septembre 2022

Nous quittons Trieste par une belle piste cyclable mais après ce n’est pas de la tarte ! Fini les jolis panneaux Eurovélo d’Allemagne ou d’Autriche, ici il va falloir se débrouiller. La zone industrielle à la sortie de la ville est un labyrinthe, heureusement des petits autocollants de cyclo pallient régulièrement le manque d’indication officielle.

Nous faisons une pause au bord de la mer à Muggia. Le soleil n’est pas assez présent pour tenter une baignade, et puis…

« Venez voir les enfants! 

-Qu’est-ce que c’est?

-Une méduse ! »

A 14h, nous pénétrons en Slovénie ! Nous aurons passé moins de 24h en Italie et on ne devrait pas rester très longtemps non plus dans ce nouveau pays. Ici, nous retrouvons des panneaux impeccables pour les directions et le signe de l’EV8. 

« C’est bien pistecyclé la Slovénie! Me lance Clem.

-Pistecyclé ?

-Oui, je trouve le trouve bien ce mot, ça sonne juste ! »

Nous quittons l’itinéraire pour prendre une glace sur le port d’Isola (c’est rigolo car en France à Isola2000 il y a aussi de la glace ! Ha ! Ha ! Ha !). Un coup de fil de mes parents m’annonce une nouvelle moins drôle au sujet de mon grand-père de presque 99 ans. Cela me sort un peu du voyage et de l’orga. Nous décidons de nous arrêter au camping le plus proche. C’est aussi le plus cher. Le plus cher depuis notre départ. Plus cher que le club de Kayak de Passau. Plus cher que la ferme des vaches des Pays-Bas. 56€ la nuit. Punaise ! Pour 15 mètres carrés de terre et des chiottes ! Au moins la vue est belle. 

Ah oui ! J’oubliais, Maxine a super bien pédalé aujourd’hui. Sérieuse à Trieste et sa zone industrielle et courageuse dans les quelques montées.

Jour 93 / 29 septembre 2022

Départ à 10h40. Nous avons pris une douche et on en a profité pour faire une lessive. Comme d’habitude, nous avons fière allure avec nos slips et culottes qui sèchent sur les sacoches. 

Nous commençons la journée par une longue descente qui serpente vers la vallée. Nous sommes sur un chemin goudronné très agréable, composé de petits tournants et d’un relief tout à fait raisonnable. La nature est typiquement méditerranéenne. Les cyprès et autres arbres qui reste vert toute l’année.

Après une petite côte qui chauffe les muscles, nous arrivons à l’entrée du tunnel de 550 mètres. Percé entre 1900 et 1902 sous l’Empire Austro-Hongrois, il servait pour les trains. Les enfants sont ravis de pédaler dedans. Il y fait frais. Maxine ne se rend même pas compte qu’il s’agit d’un faux plat montant ! 

Nous faisons une pause juste avant la frontière croate. Un parcours « pumptrack » occupe bien les enfants qui enchaînent les tours de piste. Il y a aussi un mur  d’escalade qui n’intéresse que moi aujourd’hui. 

Nous repartons, sortons de Slovénie et sortons de la zone Euro, place aux Kuna. Après un court contrôle douane, le chemin commence tranquille, un peu caillouteux mais plat. Au bout de 500 mètres, une longue côte commence. C’est parti pour 5 kilomètres de montée. C’est dur pour Maxine. On y va tranquille. On marche, on écoute des histoires, je la pousse en pédalant à l’hollandaise. C’est long, c’est dur, mais on essaie de garder une bonne humeur général malgré la difficulté. 

« Allez ! Après une montée, il y a toujours une descente ! »

Nous retrouvons l’asphalte et ses usagers plutôt pressés dis-donc ! Nous filons sur les 7 kilomètres qui nous séparent du bord de mer. Nous alternons longues descente et plat jusqu’à Savudrija. Le camping Lighthouse est full, mais le gérant sympa nous trouve un grand carré d’herbe rien que pour nous, derrière le camping. 

Nous nous promenons le soir au bord de la mer. La vue est magnifique. Le ciel est chargé de nuages anthracite qui annoncent un orage. Maxine retrouve sa passion pour la pêche. Avec Arsène, nous admirons des éclairs qui zèbrent l’horizon. Le vent souffle. Arsène et moi rentrons à la tente jouer aux Lego, tandis que Clem et Maxine font des prolongations près de l’eau.

Un bon dîner à l’abri de la pluie et au dodo en écoutant ce soir l’histoire de Peau d’Âne. Je suis content de lire ce conte que je ne connais pas du tout. J’ai des lacunes !

Jour 94 / 30 septembre 2022

Camping désert et champ d’olivier. 

Nous commençons la journée par une chouette session d’école au bord de la mer. Les enfants ont bien pris l’habitude, et l’école commence à être un vrai plaisir pour tout le monde. Arsène a très souvent envie de continuer à faire des exercices même quand nous avons dépassé l’heure de travail. 

Nous repartons et découvrons que pour suivre l’Eurovelo 8, le plus simple reste de suivre les petites flèches sur les autocollants semés par des particuliers sur les poteaux pour pallier le manque d’indication officiel. C’est pratique, plus besoin d’allumer le téléphone à chaque croisement. Nous nous éloignons un peu du bord de mer, roulons sur la route 75, puis retrouvons les petits sentiers cyclo-pédestres. Certaines pistes sont neuves et au ras de la plage. Nous avançons dans un décor splendide. Les plages croates sont belles, quand elles ne sont pas complètement urbanisée par des immenses complexes d’hôtellerie. Nous longeons tantôt des champs d’oliviers chargés de leurs fruits, tantôt des campings aux dimensions hors normes. Pourvu que nous n’ayons jamais à dormir dans de tels endroits. Tous ces lieux sont vides. Et avec la météo mitigée du jour, il y a comme un air de village fantôme. Nous côtoyons également de belles demeures qui donneraient presque envie d’investir ici. Des tuiles rouges, des murs blancs, de l’espace, une vue sur la Méditerranée, une végétation luxuriante…

« C’est beau les statues de lion, hein dit papa? questionne Arsène.

-Heu… oui oui.

-On pourrait en mettre sur les poteaux de la maison, mais avec des lumières, comme ça si des voleurs viennent, ils vont avoir peur et croire que c’est des vrais lions ! »

Tout simplement ! Les gens qui dépensent des fortunes dans des alarmes sophistiquées n’ont rien compris, Arsène et son imagination suffisent.

En milieu d’après-midi, nous quittons ces chouettes pistes pour retrouver la route 75 et ses usagers pressés. Nous serrons les dents. Nous stoppons à Umag pour un bon goûter acheté à la boulangerie. C’est l’averse. Maxine choisi le pain-saucisse, Arsène et moi un beignet au chocolat, Clem fait l’impasse sur le goûter. 

Nous repartons et arrivons dans un nouveau camping désert. Il est presque 18h. Nous hésitons à y planter la tente. Le camping sauvage étant strictement interdit ici, nous sommes un peu frileux du bivouac. Mais un bivouac dans un camping désert, c’est pas vraiment du camping sauvage, non? Malheureusement, il s’agit en fait d’une partie de camping fermé, et la partie ouverte est juste à côté. De nombreux baladeurs achèvent de me décourager. Nous nous installons un peu amer au camping au milieu des caravanes.

Jour 95 / 1er Octobre 2022

Réveil motivé par l’envie de partir vite d’ici ! Pas une prise de courant accessible, nous allons devoir être économe aujourd’hui sur les appareils électroniques. 

Satisfaction de ne rien payer pour la nuit. Oui, l’accueil était fermé hier soir, et ce matin, nous sommes passés devant en oubliant de payer sans presque faire exprès.

Nous pédalons jusqu’à la ville proche sur de jolis pistes cyclables en bord de mer. Nous hésitons sur l’itinéraire. Est-ce qu’on ne serait pas mieux à couper à travers l’Istrie pour regagner directement les îles ? Nous décidons de rester encore un peu sur l’EV8. Une longue descente nous amène à un pont au ras de l’eau. La mer est agitée mais le soleil brille au milieu d’un bleu azur. 

Nous continuons de suivre les autocollants et leurs flèches. Ils nous emmènent au pied d’une côte à plus de 10% de plus d’1 km. Nous poussons nos vélos, pestons contre le poids de ceux-ci, mais nous en venons à bout ! Hourra ! Nous avons bien mérité nos bonbons ! 

Nous retrouvons le littoral et ses chemins déserts après un long passage caillouteux et en proie aux moustiques. La Croatie est finalement bien pistecyclée, du moins en Istrie. Les enfants sont en pleine forme et motivés. Après un arrêt goûter, nous stoppons quelques minutes à une pumptrack comme en Slovénie. Ils sont ravis, mais il faut repartir. Il nous reste encore 6 kilomètres avant le camping que nous avons repéré. Le seul qui n’ait pas l’air d’un complexe de merde. Arsène et Maxine roule super bien ensemble, jouant et discutant tout en épousant parfaitement les petits reliefs. C’est un vrai régal pour toute la famille. Ils viennent même à bout d’une côte plus longue et sur route partagée. Avec Clem, la fierté se lit dans nos regards. 

La fin de journée est plus dure, enfin pour les parents. A notre grand regret, le camping repéré est fermé. Nous tentons de téléphoner à différents apartmenti, que dalle. Minimum 7 nuits ! L’heure tourne. Nous finissons au cœur d’un complexe d’hôtellerie de plein air. Dur dur. Nous avons l’impression de trahir nos principes mais la côte et l’urbanisation ne permet pas de bivouaquer tranquille et on a pas l’energie.

Jour 96 / 2 octobre 2022

Ce matin-là au réveil, j’enfilais mon petit short noir en simili cuir, je lissais ma fine moustache grise en m’admirant dans le miroir de ma petite mais ultra-fonctionnelle salle de douche. En sortant, je remis mon marche pied devant la porte de ma caravane double essieu. Je m’étirai en admirant la vue. Le camping-car de Gunther à ma droite m’empêchait de bien voir la mer, mais cette belle machine au format d’un bus valait bien le détour. La musique lounge des sanitaires se mêlait habilement au bruit des vagues. Seuls quelques enfants bruyants gâchaient mon plaisir. Les campings 5 étoiles devraient leur être interdit ! pensais-je. Je calmais le début de ma colère en observant ma télécommande. Ce joujou me permettait de déplacer ma caravane, comme une voiture télécommandée. Très pratique pour bien s’installer sur nos emplacements. Et classe aussi, piloter sa caravane à distance, ça claque ! J’avais hâte de me mettre sur la trottinette électrique pour rejoindre le troisième restaurant du resort. Voilà bientôt une semaine que j’avais posé les cales, et je n’étais toujours pas sorti d’ici ! En même temps, j’avais tout à portée de main, pourquoi explorer ce pays, dont la vue sur mer me suffit, pourquoi me confronter à vie et sa population qui pourrait ne pas me comprendre quand les gens de la réception parlent si bien anglais et même allemand ! 

Un crissement de gravier s’invite dans mes oreilles et me réveille. OUF ! Tout ça n’était qu’un affreux cauchemar ! Nous profitons de tout ce luxe pour prendre de longues douches. Nous quittons cet endroit maudit peu avant midi. Aujourd’hui nous suivons une longue embouchure puis nous quitterons la côte, écœurés par ces logements géants. A nous le dénivelé ! 

Nous rejoignons rapidement un long chemin caillouteux sous les arbres, qui nous laisse apercevoir la mer deux fois. Au début et à la fin. Le dénivelé est bien présent, mais il passe sans problème pour tout le monde et à la clef, un magnifique panorama méditerranéen. Des arbres qui commencent à se parer de leurs habits d’automne, une mer bleu, des montagnes de chaque côté. Une carte postale.

Nous repérons un camping dans les terres à 6 kilomètres de nous. Cela nous fera une petite étape de 20 kilomètres mais qui se passe dans la joie et la bonne humeur générale. Maxine ne souffre pas du relief et reste motivée et courageuse jusqu’au camping. Elle peut y continuer, une fois arrivée, sa broderie. Arsène a bien roupillé sur la fin et rattrapé de sa nuit trop courte. 

Nous n’avons pas pu faire de course, je pallie le manque de provision en confectionnant un pain sucré avec un sachet de porridge. Le résultat est top, reste à le cuire ! On sort le réchaud à bois pour ne pas finir tout le gaz et c’est parti ! Tout le monde se régale ! A refaire ! 

Nous profitons du réchaud à bois pour y rester tous les 4 et écouter des musiques douces. Nous passons un super moment de famille bien agréable.

Jour 97 / 3 octobre 2022

Que c’est agréable de retrouver des températures d’été. Nous remettons les shorts, les tee-shirts mérinos et les doudounes sont au fond de nos sacoches. Le ciel est bleu sans l’ombre d’un nuage, le soleil sèche la toile de la tente en quelques instants, plus de buée qui sort de notre bouche quand nous expirons ! Bon les moustiques et les guêpes sont de retour mais on ne peut pas tout avoir hein ! 

Départ de ce simple mais agréable camping dans les terres à 11h22. Aujourd’hui c’est Maxine qui porte le GPS !

« Aufwiedersehen ! »

Mon allemand commençait tout juste à me revenir quand on a quitté l’Autriche. Heureusement qu’il n’y a que des touristes allemands ou autrichiens ici, ça permet de continuer à exercer mes talents de polyglotte.

Nous commençons la journée par un chemin de cailloux qui énerve Arsène. Je l’aide, l’encourage et le pousse, mais les pierres ont raison de sa motivation. Il aura tout de même parcouru 3 kilomètres ! Maxine nous guide plus ou moins bien. 

Petit stress tout de même aujourd’hui. Nos réserves de nourritures sont au plus bas. Nous n’avons rien à nous mettre sous la dent autre que du popcorn, et le supermarché le plus proche sur notre itinéraire est à 12 bornes et plus de 300 mètres de dénivelé positif. Nous n’avons presque plus de kuna non plus. Mais on est serein ! Nous comptons les lézards. Nous rejoignons une route plus roulante, mais toujours de la piste.  Ça monte, ça descend, et ça suit sans aucun souci du côté de Maxine ! Nous sommes pendant un moment sous les arbres, puis rejoignons une route d’asphalte plus passante. Nous voyons de plus en plus de chiens, pas errants à priori pour le moment mais nous sommes vigilants et disons aux enfants de rester méfiants. Le paysage est de plus en plus impressionnant. Nous sommes au sommet de collines vertigineuses. Un château en ruine se tient sur le versant opposé, un immense pont traverse la vallée derrière nous, et des arbres partout. Une descente en lacet n’attend plus que nos roues sur 4 kilomètres. C’est un plaisir inouï. Ce sont des sensations que nous n’avions pas du tout expérimenté depuis le départ. C’est euphorisant. Nous nous élançons. Le vent siffle dans nos oreilles, le soleil chauffe nos mollets. J’adoooooore !!! Nous faisons une pause popcorn et cuillères de miel avant d’attaquer la montée qui s’annonce aussi dure que la descente était plaisante. Nous stoppons au niveau du château en ruine. Hourra ! Il y a un bistrot ! Et ils acceptent les euros ! Sauvés ! Des frites, et une visite plus tard, nous partons de « Moncastel » sous les regards sympathiques des touristes allemands. Arsène et moi sommes en tête, puisant notre courage en écoutant de la musique. Clem tente de tirer Maxine à l’aide d’une sangle mais cela est dure. Lorsqu’elles arrêtent, Maxine file comme une flèche et me rattrape. Nous faisons des pauses régulièrement mais avançons à un bon rythme. Maxine est surprenante aujourd’hui. Clem toujours aussi impressionnante. Et moi, je suis extraordinaire mais on le savait déjà (pfff). 

Vers 16h, nous appelons le camping repéré pour s’assurer de la disponibilité. Merde ! Il est fermé, la saison est déjà finie ! Saperlipopette ! Où allons-nous dormir ? Nous ne cédons pas à la panique et partons déjà trouver un ATM. Nous le trouvons dans jolie ville de Svetvincenat. Il est 17h. Je commence à être rincé, et je ne suis pas le seul. Nous décidons de rouler vers Foli (mais c’est une folie !), où nous retrouverons un chemin de campagne avec plus d’occasion de bivouac. 

A la sortie de la ville, nous apercevons une grande maison au jardin ouvert. Une femme tond la pelouse. 

« Marc ? On lui demande ? »

Nous prenons notre courage à deux mains (oui ce n’est pas chose aisé pour nous on l’avoue), et rentrons dans le jardin. Par chance, la dame parle un peu anglais. Elle accepte que nous plantions la tente. Elle nous montre les toilettes chez elle, puis nous propose de dormir sur son canapé ! Incroyable ! Inouï ! Inénarrable ! 

Nous passons une bonne soirée en compagnie d’Yvonna dans sa petite maison. Les enfants regardent des dessins animés, nous discutons. Elle est pâtissière et nous parle d’elle, de sa famille, de son pays. C’est trop cool. Elle part demain matin travailler tôt mais nous dit que nous pouvons rester aussi longtemps qu’on veut. 

Je m’endors dans la cuisine, Clem se partage le canapé avec les enfants. Nous sommes au chaud, nous sommes heureux.

Jour 98 / 4 octobre 2022

Réveil matinal après une bonne nuit au chaud. Trop chaud même. Il faut dire qu’à la suite d’une incompréhension, notre hôte a mis une bûche dans le poêle ce qui a bien chauffé la pièce ! 

Petit-déjeuner, école et départ. Après la ville de Foli, nous roulons sur une route pleine de relief. Le paysage est magnifique. Nous sommes seuls au monde. C’est grisant. C’est vraiment ce que nous recherchions. La nature, le dépaysement. 

Nous stoppons au sommet d’une côte pour pique-niquer. Aucune trace de la civilisation autour de nous hormis la route. Des arbres à perte de vue, des prairies sauvages où affleurent des roches blanches. Un léger vent frais nous rappelle que nous sommes en octobre. 

« On s’en fiche des petites bêtes ! »

Si seulement c’était vrai ! Les insectes sont tous plus gros en Croatie, les sauterelles, les fourmis, les araignées, les mantes religieuses. 

Nous arrivons rapidement à Braban. Une jolie église avec aire de jeux nous permet une pause agréable. À plusieurs reprises, des chiens plus ou moins errants nous ont aboyés dessus, ça surprend ! Maxine a dégoté un bâton pour Clem pour les éloigner, juste au cas où. Nous analysons le dénivelé qui nous attend. 212 mètres positif et pareil en négatif. Nous descendons dans la vallée, puis nous remontrons. Nous y allons avec la meilleure humeur possible. Celle-ci s’estompe un peu lorsque nous rejoignons la route 66. Hormis le petit air américain, cela n’annonce rien de bon. Il s’agit en effet d’une route nationale, fréquentée entre autre par des semi-remorques et de gros cars de touristes. Nous nous élançons et commençons les 5 kilomètres de descente. Des espaces nous permettent des pauses pour souffler et digérer les nombreuses voitures qui nous doublent. Quand je pense que j’ai rouspété contre les voitures en France qui me dépassaient à moins d’1,5 mètres, ici quand elles me doublent à plus 40 centimètres je suis hyper content. La carriole tangue dès que je prends de la vitesse. J’imagine la gomme de mes plaquettes de freins qui diminue de plus en plus. Un gros car me double, je m’accroche fermement à mon guidon, tout va bien. Plusieurs automobilistes nous adressent des signes d’encouragement en klaxonnant, ça fait chaud au cœur. Pas d’ironie, nous comprenons que ce petit coup de Klaxon est un salut ou le petit signal du dépassement. Arrivés en bas nous soufflons. 

La descente ne s’est pas trop mal passé, la bonne énergie est toujours présente. Est-ce que nous allons réussir à la conserver sur les 9 kilomètres que nous devons parcourir sur cette route ? Heureusement, pour les kilomètres les plus difficiles nous recevons l’aide d’automobilistes allemands.

A 17h30, nous arrivons au camping. Soulagement total. Clem chasse toutes ces émotions en plongeant dans la piscine gelée. Nous restons deux nuits ici, le temps de préparer la suite et de se reposer un peu.

Jour 99 / 5 octobre 2022

Farniente au bord de la piscine. L’eau est froide mais c’est très plaisant. La profondeur de 1,40 mètres empêche les enfants de se baigner seuls.

Jour 100 / 6 octobre 2022

100 jours de voyage purée !!!

Pour l’occasion, nous restons à nouveau dans notre petit havre de paix. Piscine, école, jeux.

Tout roule !

Jour 101 / 7 octobre 2022

101 jours de voyage et la tente présente une nouvelle fragilité. Après les zips, voilà que notre moustiquaire s’est trouée ! On a fait une jolie réparation au DuckTape, mais on songe de plus en plus à profiter du Decathlon de Zadar pour la remplacer. 

Réveil tardif à 8h16. Juste avant de partir, nous buvons un café au soleil avec les pieds dans la piscine. Il fait chaud aujourd’hui ! Nous quittons le petit camping de Kapelica, et pédalons 2,5 km jusqu’à Labin. Nous attachons nos vélos, et partons faire une randonnée. Le chemin escarpé descend le long d’une rivière presque asséchée à cette époque de l’année. Arsène manque un peu de motivation au départ mais il devient « Cactus », le dinosaure de compagnie de Maxine et les voilà qui dévalent les chemins. Nous pique-niquons dans une gorge au bord d’une piscine naturelle encore plus transparente que celle du camping, l’odeur de chlore en moins mais la température identique. Nous empruntons ensuite un chemin indiqué comme difficile qui relève plus de la varappe que de la randonnée. Quelques petites sueurs froides pour nous, beaucoup d’amusement pour les enfants. Arsène qui nous disait qu’il rêvait de grimper hier est ravi ! 

Nous remontons vers nos vélos. Dès que nous quittons l’ombre fraîche des arbres, la chaleur du soleil nous cueille et nous assomme. Si la descente était raide, eh bien la remontée l’est également ! Nous retrouvons nos vélos, aucune sacoche ne manque à l’appel. A chaque fois qu’on se fait une excursion ou des courses ou tout autre fois où nous laissons les vélos sans surveillance, je ne peux pas m’empêcher de m’inquiéter mais à chaque fois rien ne se passe. En même temps, il y a régulièrement nos slips et culottes qui sèchent dessus, ça doit repousser ! 

Nous prenons la route, une étape d’une vingtaine de kilomètres pour rejoindre Brestova où nous voulons prendre un ferry pour l’île de Cres. Après à peine quelques kilomètres, mon vélo se bloque. Mon dérailleur est en train de se coincer dans les rayons de ma roue arrière. Merde ! Il s’est dévissé et je le remets sans peine mais il s’est tordu dans l’affaire. Dès que je suis sur le plateau 2, un bruit de chaîne légèrement désaxé se fait entendre. Reloud. Je passe l’aprem en plateau 1. Nous pédalons une petite dizaine de kilomètres à enchaîner descentes et montées. Maxine pédale sans soucis, Arsène s’est endormi. Il est 16h45 quand nous faisons une courte pause. Le soleil est moins chaud. La circulation tranquille sur ces routes secondaires. Après Nedescina, nous avons plusieurs kilomètres de descentes, dont une longue partie sur une route fermée à la circulation déserte et avec un revêtement neuf. 

« Purée ! Quel kiffe ! s’exclame Clem en bas de celle-ci. »

Nous mettons nos manteaux pour continuer les descentes. Le vent est frais. Nous voilà maintenant sur la route 64, jusqu’à Vozilici. Pas trop de circulation et une route large qui permet de se faire doubler sans se faire tailler un short. Nous devons en principe continuer notre route sur la nationale 66, la même que celle de mardi quand nous avions bien flippé. Il est presque 18h, et cela ne nous enchante pas du tout. Clem part aux alentours à la recherche d’un coup de main éventuel, une camionnette qui voudrait bien nous embarquer. Je repère un chemin alternatif qui permettrait de sauter une partie de la nationale mais nous aurons un petit mur à pédaler. Nous optons pour cette solution en gardant en tête qu’il faut trouver un endroit pour dormir. Nous filons vers la vallée au creux de laquelle se trouve une magnifique centrale à charbon, avec une immense cheminée rayée blanche et rouge. Nous attaquons le mur, dépassons trois chiens errants. Je tiens la perche de la GoPro dépliée au cas où mais les chiens ne font pas preuve d’agressivité. La lumière rose de fin de journée sur la roche blanche de la montagne est hypnotisante. Nous poussons nos vélos. Seul Arsène a de l’énergie pour chahuter. Un champ d’oliviers sur notre droite. La récolte a commencé et une famille s’active à ramasser les précieux fruits. Je demande à l’un de ses membres si nous pouvons planter la tente ici. Discussion en Croate/Italien avec un autre membre. On capte des « no », ok. On est prêt à repartir mais en fait c’est good ! On peut planter la tente au milieu des oliviers ! Les champs est envahi de plantes aromatiques, l’odeur est enivrante. Vue sur la montagne derrière nous, vue sur la centrale devant. La famille nous invite à participer à la récolte des olives demain matin sur le ton de la blague, mais nous sommes super enthousiastes à cette idée ! Nous devrions gagner un petit déjeuner en échange d’un coup de main !

La lune presque pleine éclaire les arbres autour de nous. La centrale ne s’arrête jamais et notre nuit sera rythmée d’un bruit de fond, mais le lever du soleil s’annonce assez magique !

Jour 102 / 8 octobre 2022

Recherche Google avant le coucher : « scorpions Croatie ». 

Ce matin, après le petit déjeuner sous la tente (pour éviter le froid et la très forte humidité), nous retrouvons Patrizia et sa famille/amis dans le champ d’oliviers. La cueillette commence tôt ! Nous passons la matinée à dépouiller les arbres de leurs petits fruits verts. Les enfants participent à leur niveau. Maxine grimpe dans certains arbres pour attraper les olives les plus hautes. Arsène cueille celles des branches basses. Ils apprécient renverser les seaux de chacun dans les grandes caisses. Toni, un petit garçon de 6 ans, les emmène faire des tours de minis quads électriques et ils s’attèlent ensemble à la tache. Nous y passons toute la matinée. Nous sommes heureux de pouvoir participer et de remercier en filant un coup de main. Nous sommes invités à déjeuner avec tous les cueilleurs. Un bon repas où chacun se sert dans les plateaux de charcuterie, fromages ou d’omelettes aux asperges. 

A 13h30 c’est la reprise de la cueillette et l’heure du départ pour nous. Nous retrouvons le mur que nous avions laissé hier soir. Impossible de pédaler. Nous poussons. Les enfants suivent en marchant. Nous faisons des points relais et prenons notre temps. La pente est vraiment très raide. Je repense à la côte dû monumentale près de la maison. Je repense à ces fois où j’y ai poussé le vélo chargé de la carriole. Mes muscles brûlent. Purée ! Mais qu’est-ce qu’on est lourd ! A-t-on vraiment besoin de tout ce bordel ? La ville de Plomin est jolie et domine la mer et la vallée. C’est beau ! 

Juste avant de nous embarquer sur la route nationale (en principe moins fréquentée en ce moment), un cyclo ultra light arrive de notre mur. Il nous explique que c’est la côte la plus raide qu’il a jamais faite. Son vélo lui a indiqué que la portion la plus dure était à 26% ! 

La route nationale est en effet moins fréquentée, mais on reste concentrés et vigilants. La majorité des véhicules fait attention mais il y a toujours des chauffards. Nous sommes contents de quitter l’EV8 en allant sur les îles car celle-ci continue sur la nationale jusqu’à Zadar. Quand nous la quittons pour rejoindre le port de Brestova, la pente est de 14%, de quoi faire grincer les freins. Une longue descente serpentée jusqu’à l’embarcadère s’offre à nous. Le panorama est impressionnant. L’île de Cres se dresse de l’autre côté, une montagne qu’il faudra traverser demain.

La traversée sur le ferry est agréable. 

« Ça faisait longtemps qu’on n’avait pas pris le bateau dis-donc ! »

Il est 17h. L’île de Cres est belle certes, mais dépourvu en logement. Il est trop tard pour commencer la traversée, nous décidons de rester à Porozina, la ville du port pour y trouver un endroit où dormir. Aucune maison ne semble en mesure de nous accueillir, nous trouvons un petit coin sous les arbres près de La Chapelle et des ruines attenantes. Nous laissons les vélos plus loin et emmenons les sacoches sur notre terrasse. Je bouge les pierres à main nue pour préparer une large place pour la tente. Nous attendons avant de la monter. Après le dîner, en cherchant un coin pour jeter un petit reste de lentille, je retourne une pierre et distingue une drôle de bête. Noire, petite, plate, recroquevillée sur elle-même. Intrigué, je l’effleure du bout de la cuillère en bois. Ah ! Un scorpion ! Je n’en avais jamais vu en-dehors des terrariums. J’en parle à Clem mais pas aux enfants pour éviter de les inquiéter. Nous montons la tente, et y rentrons les sacoches, puis les enfants. Clem en aperçoit un nouveau sous l’abside. Merde ! Bon, pas de panique, dans la chambre nous serons tranquilles. Il faudra bien vérifier les chaussures avant de les enfiler demain matin hein !

La journée a été riche et dense. Il y a eu tellement de moments différents que c’est fou de se dire que tout ça est rentré dans une seule journée !

Jour 103 / 9 octobre 2022

Nuit bruyante. La nature ne s’est pas reposée. Pas de scorpion ce matin au moment de ranger ou de plier la tente, mais je ne faisais pas le malin. Déjà hier soir, au moment de s’endormir, des bruits d’animaux surprenant nous ont un peu maintenu éveillé. À plusieurs reprises dans la nuit, nous avons entendu fureter et renifler autour de nous. En sortant de la tente ce matin, j’ai aperçu sur le chemin en contrebas plusieurs petits sangliers…

Le dénivelé de l’île de Cres tient ses promesses. Nous commençons sur une côte à 8%. Je suis confiant, ça va le faire. Clem est moins optimiste, et plus réaliste que moi. C’est hard. Nous pédalons peu, et marchons beaucoup. En plus mon dérailleur s’est de nouveau dévissé, hyper rassurant. Il nous faut plus de 2h pour avancer de 6 km. J’ai mis une sangle entre la carriole et le vélo de Maxine, c’est pas mal. Cela fait un sacré convoi. C’est dur, et même si le paysage est magnifique, on galère tous. 

Nous jetons l’éponge. Nous laissons tomber. Nous ne pouvons et ne devons pas nous entêter. Ce n’est pas le but de ce voyage de nous faire détester le vélo.

Nous appelons un taxi. Les enfants s’amusent comme des fous dans les rochers en attendant. La voiture arrive et nous y chargeons le vélo de Maxine, celui de Clem et celui d’Arsène. Nous y chargeons également toutes les sacoches dont les miennes. Clem et les enfants partent et doivent se faire déposer à l’embarcadère de Merag. Je continue de pédaler, léger, le taxi viendra me récupérer après, dans 50 minutes environ. Cela me laisse le temps de pédaler et de kiffer en solitaire. Je rajoute une bonne grosse centaine de mètres de dénivelé aux 300 mètres gravis en famille. Et là, je me rends compte que nous avons bien fait de ne pas nous obstiner à vouloir grimper à vélo cette île. En plus du dénivelé, le vent est de face, et le ravin tout proche et pas toujours bien protégé. La route arrive sur une crête, et c’est ahurissant. Les flancs de la montagne de chaque côté plongent vers les eaux turquoises de la mer adriatique. Le vent hurle autour et tente de m’envoyer hors de la route. 

Le taxi me retrouve. Nous roulons sur plusieurs routes à plus de 8% en montée, et plusieurs à 10% en descente. Nous avons vraiment bien fait de prendre l’option taxi. 

Nous arrivons à Merag pile poil pour le départ du bateau. Contrairement à celui de la veille, il est plein à craquer ! La traversée est un peu mouvementée.

« Papa, on peut acheter des glaces ? 

-Oh oui, vous les avez bien méritées ! »

J’en prends pour Arsène aussi. Je retrouve Clem et Arsène s’écrie : 

« Ouiiii ! Encore une glace ! 

-Comment ça encore? »

Maxine a réussi à me faire acheter des glaces alors qu’ils en avaient eu pendant que je pédalais. La grosse coquine purée !

Débarqué à Krk (prononcer Kirk, comme le capitaine de l’USS Enterprise [Startrek]), il nous faut parcourir 3 km jusqu’au camping Sbrtici, mais avec une côte à 8% pendant 1 km… C’est compliqué. Nous y arrivons mais ce n’est pas une partie de plaisir. Pour la première fois depuis notre départ, nous ne voulons plus pédaler. Nous décidons de rester 2 nuits dans ce camping pour pouvoir nous faire une journée plage demain, la première depuis que nous sommes en Croatie.

Jour 104 / 10 octobre 2022

Purée ! Mais qu’est-ce qu’on va faire ? Où allons-nous ? Comment ? Ces questions reviennent se bousculer dans nos têtes. La Croatie est magnifique mais nous avons été un peu trop optimiste et ambitieux sur nos capacités physiques et mentales. L’île de Cres nous l’a bien rappelés. C’est une fissure dans notre projet qui laisse s’infiltrer au creux de nos ventres le doute. Ce doute terrible qui te fait regretter le confort de la routine, qui fait remonter que le positif de la vie superficielle d’avant. Le plaisir de se partager un café après avoir emmené les enfants à l’école et avant d’attaquer une journée de télétravail. La joie de se planifier une soirée au restau, au cinéma. Nous sommes dans le dur, dans l’impasse dont il faut repousser les limites. Nous allons la trouver l’issue dérobée qui permet aux héros en mauvaise posture de se sauver in extremis. 

Nous mettons cela de côté, et nous concentrons sur la session d’école des enfants. Puis, nous partons à pied pour la plage à 2 km du camping. A nos doutes vient s’ajouter l’incertitude de trouver un ferry pour l’île de Rab. Nous allons peut-être attendre quelques jours ici. La plage est magnifique. Un bar de plage complètement fermé assure une tranquillité royale sans doute inexistante en haute saison. Le soleil est un peu timide mais dès qu’il se montre il nous chauffe la peau. L’eau est transparente comme en Bretagne. Maxine pêche, Arsène vagabonde sur les rochers. Le temps est bon, la vie est douce au bord de la mer Adriatique. Face à nous se dresse l’île de Cres où nous avons tant souffert hier. Avec Clem, nous nous repassons le film des derniers jours. Nous avons du mérite et du courage mais des jeunes enfants que nous voulons préserver et rendre heureux pendant ce voyage. Petite partie de Uno au bord de l’eau, c’est carrément cool. 

Le retour est tranquille. Les enfants marchent doucement et jouent au bord de la route. Les très nombreux allemands ne conduisent pas terribles. Ils nous énervent un peu à s’adresser à nous systématiquement en allemand, comme si tous les touristes ici étaient comme eux natifs d’Allemagne. Les Croates font de même, donc on pourrait presque les comprendre. 

Fin de journée classique et agréable.

Jour 105 / 11 octobre 2022

Notre ferry pour l’île de Rab part à 18h20. Nous prenons notre temps pour ranger et faire l’école. Les enfants profitent bien de la piscine et des jeux. 

Nous partons à midi pour le port. L’idée est d’y laisser les vélos et de lézarder tout l’aprem à la proche plage. Malheureusement, en arrivant au port à 13h15 sous un soleil de plomb, on constate que le chemin pour la plage est inexistant. La côte à 8% nous empêche de sortir de là. Il va falloir y passer l’aprem… Nous nous posons d’abord sur le port au bord de l’eau. Pique-nique avec vue sur de nombreux poissons. Les enfants jettent des cailloux dans l’eau. On explore un peu les environs mais nous ne trouvons aucun endroit adéquate. Le soleil tape un peu même si on est le 11 octobre. Nous nous installons à l’ombre sur une terrasse de restaurant. Nous enchaînons les parties du jeu Bioviva sur les dinosaures. Les enfants ont chacun leur préféré. Le Spinosaure pour Arsène et le Galliminus pour Maxine. Le temps est long, mais les minutes continuent de s’enchaîner. Ouf, le temps ne s’est pas arrêté. Nous nous rapprochons de notre quai de départ. Les enfants sont un peu excités. Le soleil disparaît derrière des montagnes, l’atmosphère se rafraîchit. Des plots servent de poutre aux enfants. A l’approche du départ, l’attente est interminable alors que notre bateau est là. Enfin, à 18h on peut y monter. La chaleur de l’intérieur est réconfortante. Les roches blanches de la côte de Krk prennent une couleur rosée dans la lumière du coucher de soleil. Bizarrement, la traversée parait très mouvementé à Clem et à moi comme sur une mer d’huile.

En arrivant à Lopar, nous pédalons de nuit. Le froid tombé sur le port au moment de l’embarquement a laissé place à une douce chaleur du soir. Nous avons réservé un Airbnb à un peu plus de 2km. La ville est déserte. Vu le nombre de panneau indiquant des appartements à louer, on devine qu’il s’agit d’une ville fantôme dès que les touristes ne sont plus présents.

Nous passons notre soirée à discuter Clem et moi, de la suite, du projet. La Croatie et ses difficultés nous font douter. Nous pédalons moins, ce qui est frustrant, mais nous ne pouvons pas non plus faire beaucoup plus. Nous vidons notre sac, nous nous couchons le cœur plus léger mais avec des questions sans réponse plein la tête.

Jour 106 / 12 octobre 2022

De nos longues discussions d’hier soir, nous avons gardé une solide envie d’avancer et de pédaler. Ça tombe bien, ce matin après les petites courses, nous retrouvons une belle piste cyclable. Cela faisait plusieurs jours que nous n’en avions pas vu. Arsène et Maxine ont pu rouler sereinement dessus et cela a bien motivé toute la famille malgré les 151 mètres de dénivelé à faire aujourd’hui.

Au bout de 3 km, nous avons un superbe panorama sur la mer et les îles parsemées dessus. Il fait un temps splendide, presque trop chaud. D’ailleurs, il ne faut pas longtemps avant que Maxine ne nous fasse part de ses impressions sur la météo.

« J’en ai marre, il fait trop chaud !”

Après un peu plus de 8 km, Arsène change de monture. Nous sommes très fiers de lui, il a bien pédalé. Il a super bien géré le relief et la cohabitation avec les voitures quand il était un peu sur la route. Maxine est également de très bonne composition aujourd’hui. Elle ne se plaint presque pas, hormis de la chaleur. Elle assure dans les montées aujourd’hui. La bonne humeur est bien présente chez chacun de nous, cela met du baume au cœur.

A 15h, nous dépassons la ville de Rab et pédalons encore deux petits kilomètres pour rejoindre le ranch Soline où Maxine va enfin pouvoir monter à cheval. Elle nous en parle depuis le jour du départ de son envie de remonter sur un cheval. Nous lui avions promis pour son anniversaire, mais la promesse n’avait pas pu être tenue faute de club équestre. Elle était fière et ravie, perchée sur son immense Bosco noir. Le moniteur nous a dit qu’elle se débrouillait bien mais qu’elle avait besoin de s’entrainer. 

Nous avons ensuite rejoint la vieille ville de Rab où nous nous sommes trouvé un Airbnb sous les toits avec une très belle vue. Après le diner, nous avons fait une longue marche dans les ruelles désertes. C’est surprenant de s’imaginer qu’au plus fort de l’été, ces mêmes ruelles doivent être bondées de touristes. Ravis de découvrir cette jolie vieille ville et de se perdre dans ses petites ruelles. Ça change, on en profite.

Demain, nous restons dans les parages et devons trouver un moyen de rejoindre l’île de Pag. Apparemment, le ferry n’embarque pas les vélos…

6 commentaires sur « Tour d’Europe : semaines 15 à 17, de Linz (Autriche) à Rab (Croatie) »

  1. Merci c’était encore une fois un sacré beau récit avec ce changement de décor!
    Je suis allée à Krk, ça m’a bie amusé de me souvenir de ce si drôle de nom… 🙂 et quel suspense à la fin! Bravo.

    J’aime

  2. Que de défis à surmonter, d’énergie et de patience à développer ! Des hauts et des bas à l’image de vos chemins et routes. S’adapter, c’est la vie ! De belles rencontres et opportunités précieuses, jour après jour, aux rythmes et aux humeurs changeants, tellement compréhensibles !
    Merci de nous faire rêver…par les temps qui courent… Savourez !

    J’aime

  3. À vous lire, on se croirait avec vous…et c’est beaucoup moins eprouvant pour nos gambettes. Finalement, vous avez sûrement raison car pendant ce temps là, en France, on limite nos déplacements faute de carburant 🙄 et on enfourche les vélos !
    Hâte de lire le prochain chapitre…
    Encore bravo les loulous et bises à tous les quatre 😘😘😘😘.

    J’aime

  4. Bisous à vous mes enfants,
    je vois que vous êtes persévérants, courageux et avides de découvertes. cela ne peut être qu’encourageants et bénéfiques pour les enfants.
    Merci de nous faire découvrir au plus prêt vos joies et difficultés.

    J’aime

Répondre à Benoît Annuler la réponse.